Entretiens avec François Le Lionnais Oulipo

A PROPOS DES LIVRES QUE JE N’AI PAS ECRITS [ce titre se trouve dans le manuscrit]

À signaler qu’il y a des livres que je n’ai pas écrits mais que j’aurais très bien pu écrire, ils sont, comme on dit, écrits dans ma tête. Pour un perfectionniste, ce n’est pas écrit, mais tout le brouillon est dans ma tête.

Il y a ceux que je n’ai pas écrits mais que je n’aurais jamais écrits, ceux que j’ai rêvés. Ils sont encore plus beaux, bien entendu. Il y en a un, par exemple, que j’aurais aimé faire : sur les regards. Le regard a toujours été pour moi une chose extrêmement importante. Par exemple, je connais très très bien vos regards, ils sont très différents les uns des autres. J’ai passé ma vie à collectionner des regards, en quelque sorte ; je suis collectionneur de regards comme de nombres remarquables. Il y a des regards de gens qui m’intéressent peu mais qui m’impressionnent, qui m’intriguent.

Par exemple, des gens intelligents qui ont un regard stupide – qui donne cette impression – et puis, des regards très particuliers, comme, par exemple, celui d’Henri Cartan. Il est intelligent, bien entendu, mais son regard est incroyablement malicieux, une malice qui dépasse certainement celle dont il est capable. Je crois que c’est un phénomène inexplicable.

Et les regards pétillants ? Comment les expliquer physiquement ? Qu’est-ce qui change dans un regard pétillant ? Est-ce que ce sont des différences de densité dans l’œil ? C’est la lumière qui se réfléchit différemment… ça m’a toujours intrigué. Le plus beau regard pétillant que j’ai vu était celui d’une vieille paysanne, à Saint-Sébastien dans un hôtel modeste au bord de la mer. Je ne pouvais pas me détacher de cette femme, c’est le record de pétillement que j’ai jamais vu.

J. M. : Il y a eu des expériences de psycho-physiologie sur la signification attribuée à l’œil : on a pris des photographies de visages, de femmes essentiellement, très belles, et on a truqué les yeux en faisant des pupilles plus ou moins ouvertes. Ensuite, on a demandé à des gens ce qu’ils en pensaient, de faire des commentaires. On s’aperçoit que le seul changement de la taille de la pupille provoque des réactions extrêmement différentes. Le même visage, avec la même expression, la même couleur d’yeux, change complètement si on modifie la taille de la pupille.

F. L. L. : Oui. Le regard est quelque chose de privilégié par rapport à tous les renseignements qu’on peut avoir sur l’examen des mains, du visage.

C’est à Marseille, lorsque j’étais directeur d’une usine de boîtes en rodoïd, que j’ai rencontré Gaston Berger. J’avais repris quelques contacts universitaires, dont certains, au moins, étaient intéressants. Il était philosophe et fabricant…

PIECE A JOINDRE AU DOSSIER [cette indication se trouve dans le manuscrit] J’ai retrouvé un livre de distribution de prix, Le tour du monde d’un bachelier de Laurie, un livre qui n’était pas…