Entretiens avec François Le Lionnais Oulipo


F. L. L. Il y a un disparate-mélange et un disparate-combinaison. Le second est celui qui aboutit à de la création.

J. M. L. L. En poussant votre métaphore chimique, on pourrait se dire que la distinction entre mélange et combinaison est toujours un peu relative. Vous aviez déjà utilisé cette métaphore en parlant de l’oxygène et de l’azote où le vrai mélange consisterait à faire une réaction nucléaire…

F. L. L. Ce serait donc un peu prétentieux d’affirmer que dans mon disparate je suis allé jusqu’à la fusion. Je crois que c’est au-dessus des capacités humaines, mais c’est à cela que je viserais – comme le bébé qui, la nuit, tend les bras pour attraper la lune.

F. L. L. Je relève, dans Anna et Mister God, cette remarque qui, pour avoir moins de valeur que celle de Gustave Le Rouge, n’en est pas moins intéressante : « Quand elle avait constaté un fait dans un domaine, elle jouait avec jusqu’à ce qu’elle eût découvert son fonctionnement ; puis, elle cherchait autour d’elle, dans un autre domaine, une fonction analogue. Elle avait beaucoup de considération pour les faits d’observation, mais l’importance d’un phénomène n’était pas d’être unique, au contraire c’était de pouvoir servir dans d’autres domaines. »

F. L. L. L’un des moyens de domination du disparate, ce sont les parenthèses. Mais des parenthèses utilisées autrement que ne le fait Roussel. Il s’agit de voir, dans les différents éléments qu’on souhaite rassembler, ceux qui sont locaux et ceux qui sont globaux ; de faire du global avec des tas de choses locales, d’établir des connexions. C’est ce qu’a excellemment fait Bosch dans son tableau – un tableau plein de parenthèses dans des parenthèses.

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Anna et Mister God



Anna et Mister God, de Fynn (pseudonyme de Sydney Hopkins), était un livre assez récent (paru en 1974).