Michèle Audin

Parce qu’il faut un verbe (et pas parce que ce verbe est monovocalique), celui-ci est le premier (bien sûr, il aurait pu y avoir des articles arpenter, colorier, mais les substantifs étaient meilleurs, ici ce n’est pas le cas, errer et errements, ce n’est pas la même chose) mais ne sera peut-être pas le seul.
Errer, donc. Parce qu’errer est ce que l’on fait dans les villes, disons une des choses que les personnages de ce roman y font.
*
Tu te souviens du vers de Bérénice dans Aurélien ?
Oui.
Et de celui qui le précède ?
Non. Celui avec la rime à Césarée ?
Non, celui-là, c’est

Lieux charmants où mon cœur vous avait adorée

et c’est le suivant. Je pensais à

Dans l’Orient désert quel devint mon ennui !
Je demeurai longtemps errant dans Césarée
Lieux charmants où mon cœur vous avait adorée.

Tu l’as déjà dit.
Oui, je sais, mais, quand on a commencé, il est difficile de s’arrêter. Aurélien trouve Bérénice franchement laide et la beauté de ce vers douteuse. Errer dans Césarée, pourtant… Je le trouve parfait, moi, ce vers. Je l’aime.
À cause de Racine, ou à cause d’Aragon ?
Comment savoir ?
Comment dissocier ce vers de l’un ou de l’autre ? Je le vois, lui, Antiochus, habillé en Romain, je sais, ce n’est pas un Romain, avec une sorte de jupette et des sandales, errer dans Césarée, entre le théâtre et les thermes, peut-être crier dans les ruines

Écoute ces pays immenses où le vent
Pleure sur ce que nous avons aimé.

J’aime les ruines, les ruines romaines. Tu te souviens de Djemila ?
Tu sais que la Césarée d’Antiochus et Bérénice n’était pas en ruines. On parle de l’époque de Racine. Ou de celle d’Aragon. Ou de la nôtre. Ou de nous. Ou d’errer. De demeurer ? De demeurer errant.
7 juillet 2014
(à suivre)

Couverture : Ruines romaines
sous la pluie
à Tipaza