Michèle Audin

La décision d’inclure un article tendre dans cet atlas date des tout débuts de son écriture. Carte du tendre, pensâmes-nous, alors qu’il s’agit plutôt de la Carte du Pays de Tendre, ou Carte de Tendre. Tendre serait un pays et prendrait une majuscule. Un pays imaginaire et sa carte, voilà bien qui était pour nous plaire (nous avons déjà eu l’île Lincoln). Le Pays de Tendre pourtant porte assez mal son nom, si l’on en juge par les noms des lieux que l’on y trouve : Assiduité, Billet-Galant, Empressement, Exactitude, Grand-Cœur, Légèreté, Méchanceté, Médisance, Obéissance, Oubli, Probité, Tiédeur… Tendresse (quand même). Plutôt une Carte du Pays du Flirt au XVIIe siècle.

Peut-être le tendre avec un T minuscule (un t minuscule ?) convient-il mieux finalement à cet atlas. La tendresse y est déjà très présente, avec ses jeux amoureux joyeux, la plénitude de ses silences, ses histoires de chaussettes. Les Précieuses du XVIIe siècle – et d’ailleurs avec elles les auteurs d’histoires d’amour standardisées du XVIIe siècle – savaient-elles, savent-ils, que la façon de porter ses chaussettes – je change ma chaussette de pied parce que le trou me gêne, par exemple – engendre de la tendresse ? Comme tant de petites manies, de rites, d’habitudes de l’un ou de l’autre, que l’autre ou l’un, critique, une autre manie, alors qu’il ou elle ne pourrait pas s’en passer.

Tu es en train d’expliquer aux lecteurs que tu pourrais dresser une carte dont les villages se nommeraient Trou-à-la-Chaussette-droite, ou encore…
N’en dis pas plus ! L’interrompt Fiordiligi.
Nous n’avons pas besoin de carte et les noms de nos lieux ne regardent que nous. Et si nous nous y perdions… nous en serions heureux.

6 avril 2015
(à suivre)

PS. Il y a une légende de l’illustration dans le post-scriptum de la page images.