Texte d’accompagnement de Golem on the moon, le disque de Denis Cuniot et Yomguih, chez Buda Musique, et illustré par Johann Sfar.

Image1Sans me vanter, je ne suis ni juif ni musicien. Nous sommes si peu nombreux dans cette situation qu’elle fait de moi un des rares spécialistes objectifs de la musique klezmer.

Une vieille histoire juive a connu un certain succès en débutant par « Au commencement… » Commençons donc : Denis Cuniot et Yomguih se sont rencontrés au sein du grand groupe klezmer Orient Express Moving Shnorers (un shnorer, c’est un pauvre type, et alors, est-ce une raison pour qu’il vous tape sans cesse ?).

Certes, mais qu’est-ce que le klezmer ?

Klezmer vient des mots hébreux kle, instrument, et zemer pour chanson. C’est une musique juive populaire, que les musiciens klezmer, les klezmerin, jouaient dans les shtetls, dans les ghettos, à l’occasion d’un anniversaire, d’un mariage, ou de l’arrivée d’un nouveau rabbin (voire l’anniversaire de mariage du nouveau rabbin). Sans cesse sur la route, méprisés – il convient de mépriser les amuseurs, on l’oublie trop souvent –, les klezmerin ont sillonné l’Europe centrale. Au hasard des amitiés, des rencontres, leur musique a échangé avec toutes les autres, russes, roumaines, grecques, ottomanes ou tziganes. C’est peut-être pourquoi, si les musiciens juifs ne sont pas tous klezmer, les musiciens klezmer ne sont pas tous juifs.

Musique de fusion, le klezmer a bien sûr rencontré le jazz, pour le meilleur. Denis Cuniot et Guillaume Yomguih, dans Golem on the moon, viennent rappeler avec splendeur.

Le golem, comme la musique, est création humaine : sur son front de glaise, son créateur, Rabbi Loew de Prague, avait écrit le mot hébreux emet, « vérité ». Chaque veille de sabbat, le rabbin effaçait la lettre e, afin que seule demeure la syllabe met, pour « mort ». Le golem s’effondrait et redevenait pour un jour et une nuit une « masse informe ».

Qu’un golem se trouve désormais sur la Lune ne doit pas étonner. Car la musique klezmer ne parle pas que de tristesse et d’errance, comme on voudrait le faire parfois croire. Il y a de la joie dans ses larmes, du rire dans ses sanglots (du tshok dans ses knetsch), et de l’humour jusque dans le virtuose.

La musique klezmer nous fait douter de cette certitude absurde d’être né quelque part, elle nous rappelle que tous, comme elle, nous venons d’ailleurs, que cet ailleurs est loin, et qu’il est partout.

 

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