Théâtre “jeune public”. Cette pièce a été écrite en collaboration avec Emmanuel Brouillard. Commande de la région Bretagne, cette pièce a été mise en scène par la compagnie Phare Ouest. C’est une pièce à forte contrainte, car, comme sa suite,  Le roi-caillou, elle n’exige qu’un seul acteur pour être représentée : le rôle unique était joué par Olivier Morin.

ACTE I, SCENE 1.

La lumière s’allume, un chevalier monte avec difficulté sur scène, une corde à la main. Musique pompeuse et moyen-âgeuse qui s’arrête soudain.

VOIX OFF :

Notre histoire commence à la tombée du jour, voici mille deux cents ans exactement, le (jour du mois) de l’an huit cent (année). Ces arbres magnifiques (arbre minable en décor) sont ceux de la forêt de Couarlande. Cet homme qui gravit péniblement la falaise abrupte (le héros se désigne d’une flèche en carton), oui, lui, s’appelle Nogent de Rotrouille. Il est chevalier, comme le prouve

sa rutilante armure (flèche en carton, armure genre sac poubelle)

son magnifique casque (flèche en carton, genre casquette avec plume)

son étincelante épée (flèche en carton, même nullité)

Il est fiancée à une dénommé Frédégonde (NDR montre son portrait à la salle), qui est d’ailleurs une parfaite idiote. Fiancé est une façon de parler, car Frédégonde refuse de l’épouser.

Nogent secoue la tête en une molle dénégation.

Nous allons conter ici sa triste et lamentable histoire. Et puis, finalement, non. Qu’il le fasse lui-même.

Nogent  fait non de la main, et tire sur sa corde.

VOIX OFF :

Si, si, il va la raconter, son histoire.

Nogent refait non de la tête.

VOIX OFF :

Si ! Minable !

Jeu de scène, un tambourin lui tombe dessus. Sursaute. Se met à prendre un peu vie.

VOIX OFF :

Un peu de courage, que diable !

NOGENT DE ROTROUILLE :

Hum…  Je suis Nogeouille… Rotrouille… Hum… Mais je ne sais pas par où commencer, moi.

VOIX OFF :

Par le début, imbécile !

NOGENT DE ROTROUILLE :

Bien. Déjà, mon arrière-arrière-arrière grand-père… (c’est donc fort ancien)… était assez… Hum… Les Seigneurs de Rotrouille ont la réputation… comment dire… , nous sommes un peu… bon par exemple, devant le danger, nous faisons preuve de beaucoup de prudence…

Oh et puis zut ! Je vais dire la vérité ! (il pose sa corde, prend son tambourin et bat la mesure) :

 

CHANSON DE NOGENT :

(refrain) Nous chez les de Rotrouille, on a la trouille on a la trouille

On a beau êt’ des barons, on a toujours les jetons

      Y a des familles où on est moche

      si moche qu’on fait peur aux crapauds

      Nous on a seulement la pétoche

      Pour un rien on a les grelots

Nous chez les de Rotrouille, on a la trouille on a la trouille

On a beau êt’ de la noblesse, faut toujours qu’on serre les fesses

      Y a des familles où l’on est bêtes

      Où l’on n’est pas intelligents

      Nous - en plus - un rien nous inquiète

      on a des sueurs, on claque des dents

C’est que chez les de Rotrouille, on a la trouille on a la trouille

On a beau êt’ des barons, on est d’sacrés poltrons

      Mon père craignait d’être papa

      Je suis né. Ma mère a fait « Ah »

      Elle s’est caché la tête sous l’drap

      En hurlant « vite, enlevez-moi ça ! »

Mes parents avaient peur d’avoir un fils peureux

Et moi quand je suis né j’ai tout de suite eu peur d’eux.

J’avais peur des p’tites filles, j’avais peur des garçons

J’avais peur des fourmis, j’avais peur des hannetons

J’avais peur des sucettes, j’avais peur des bonbons

J’avais peur des pâquerettes, j’avais peur des chardons

VOIX OFF :

Bon, ça va, on a compris…

NDR se tait, terrorisé par la voix off. Elle se radoucit. NDR  va vers le bord de la scène. Il crie vers quelqu’un qu’on ne voit pas et qu’on n’entend pas (ou alors vraiment à peine, ou incompréhensible.

NDR (suppliant) :

Allez viens Chocotte ! Monte ! Monte, je te dis.

 

(À suivre)

 

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