queninisation (selon IM) d'un poème de RQ Michèle Audin

 Square Louvois : guerres et paix

 

 

Place des Victoires — voilà qui évoque des guerres

nationales

victorieuses. Écrirai-je un poème qui en fasse le tour

qui en décrive, en mesure les secteurs

qui en admire la statue métallique

un dernier vers compté sept huit

 

De cent ans, de trente ans, de soixante-dix, de quatorze-dix-huit

tas de guerres

qui détruisent les unes les masures les autres jusqu’aux charpentes métalliques

sous prétexte toujours taratata d’honneur taratata national

obus, canons, shrapnels, vecteurs

mourir beaucoup à qui le tour

 

Rue de la Banque — première guerre mondiale, pour engraisser ces vautours

plus de huit

millions de morts, aujourd’hui les lecteurs

ont bien du mal à croire ce que fut cette guerre

dans un grand consensus international

et leurs ricanements métalliques

 

Rue de la Paix — au fond la laide colonne métallique

comme une tour

qu’on avait abattue je me souviens et de l’indignation nationale

bien pensante des mêmes qui en quarante-huit

soixante-et-onze, aux ouvriers la guerre

et rassurer les électeurs

 

Victoires, banque et paix, mais surtout pour les lecteurs,

métalliques,

les grilles du square, marronniers cent cinquantenaires, d’avant ces guerres,

sophoras, filaria, fontanesia, chênes chevelus de la liberté, ses atours,

sa surface, en mètres carrés : 1928,

Louvois — dragonnades nationales

 

Le jour de Munich Queneau alla à la Bibliothèque Nationale

seul lecteur

hantant les 1555 mètres carrés du hall construit par Labrouste en 1868

un des premiers chefs-d’œuvre de l’architecture métallique

vingt ans plus tard Eiffel construisait sa tour

un an après c’était la guerre

 

 

 

Michèle Audin

Octobre 2009

(ce poème est paru dans le numéro Queneau de guerre en guerre de la Revue d’études sur Raymond Queneau62-63, Association des amis de Valentin Brû, (juillet 2011)).